"ça sera long et difficile" que je disais... oui mais à ce moment-là je n'avais pas commencé à m'efforcer de m'ouvrir à autre chose

j'ai pris il y a quelques temps déjà la téméraire décision de creuser une tombe pour un cadavre trop cher à mon coeur
un cadavre dont les relents de pourriture et de rancoeur m'empêchent de vivre

téméraire décision? après tout quoi de plus normal
ce qui est téméraire, c'est de décider qu'il faut maintenant enterrer ses espoirs
mais pas pour les tuer, pour que d'autres puissent vivre correctement et sainement

le plus difficile là-dedans, c'est de ne pas s'abandonner à la contemplation d'un cimetière aux apparences romantiques, mais qui m'empêchent de comprendre que dans une image belle et désespérée, je ne suis pas en train de vivre, je vis par procuration, comme lorsque je lis ou me force à lire un roman dans une quelquonque obsession culturelle alors que je serais peut-être mieux à me promener dehors

quoiqu'il en soit, c'est ce qu'il m'a conseillé de faire, me promener, sortir, voir ailleurs
on ne peut pas mettre sur ses épaules le poids de toutes les responsabilités du meurtre

"requiescat in pace, machin" comme elle dit, enfin, machin, mon amour plutôt
in pace!
je ne m'assoierais pas sur le cercueil pour être sûr que tout y soit bien mort, parce que je pense que je ne dois pas aller jusque là; je suis ou j'ai peut être été un Mussolini (Benito Amilcare Andrea Mussolini), mais pas de ce genre:













ce que je souhaite plutôt, pour continuer dans les métaphores romantiques, ce serait qu'une fleur pousse de la terre où j'ai enterré le cadavre
le problème, c'est que pour qu'elle y pousse, il faut que j'abandonne tout espoir que ce soit, parce qu'en principe rien ne sort plus d'une tombe
ça n'a pas de rapport avec le fait que les cimetières français soient des endroits aseptisés où tout souvenir de la mort est effacé, au contraire, ce serait plutôt une façon un peu absurde d'expliquer les choses, mais très vraie pourtant

à toute éventualité, je répète que je suis désolé, ô combien désolé!!, mais que c'est absolument nécessaire, je l'explique ici mieux qu'ailleurs
Charles Bovary s'est bien rendu compte, peu après qu'Emma soit morte, qu'il fallait vraiment l'enterrer, aussi terre-à-terre que ce soit comme constatation
et puis, peut être qu'un jour il n'y aura plus de raison d'être désolé
mais pas parce que tout souvenir aura disparu de ma tête


voilà j'ai fais la synthèse de ce que j'ai vécu avec des figures de style et des sous-entendus littéraires et délicats, je suis content, en attendant je vois pas comment j'aurais pu mieux faire, et puis qu'est-ce que ça change? ça change que ça sera peut-être moins dur exprimé comme ça.
bonne route, mille fois bonne route